1. CVAE : Réclamations aux fins de restitution en perspective pour les filiales membres d’un groupe intégré !

 

Par une décision rendue le 19 mai 2017, le Conseil constitutionnel vient de déclarer que les modalités de calcul de la CVAE pour les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré étaient non conformes à la Constitution.

Pour mémoire, le taux d’imposition à la CVAE dépend du niveau du chiffre d’affaires :

  • Pour les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires annuel HT supérieur à 50.000.000 €, le taux d’imposition est fixé à 1,5%,
  • Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel HT est inférieur à 50.000.000 €, le taux d’imposition se situe entre 0 et 1.5% selon le niveau de leur chiffre d’affaires annuel HT.

En principe, le chiffre d’affaires pris en compte pour déterminer le taux d’imposition à la CVAE s’entend du chiffre d’affaires individuel.

Toutefois, pour les sociétés membres d’un groupe fiscal intégré dont le chiffre d’affaires consolidé annuel HT est supérieur ou égal à 7.630.000 €, le chiffre d’affaires pris en compte pour déterminer le taux d’imposition à la CVAE s’entend du chiffre d’affaires consolidé des sociétés membres du groupe[1] (et non du chiffre d’affaires individuel).

Par sa décision du 19 mai 2017, le Conseil constitutionnel vient d’abroger avec effet immédiat le dispositif de l’article 1586 quater I bis du CGI en considérant que la différence de traitement entre les sociétés membre d’un groupe, selon qu’il est intégré ou non, est contraire au principe d’égalité devant la loi.

Ce qu’il faut retenir :

–  A compter de 2018 (CVAE due au titre de 2017), le taux d’imposition à la CVAE sera calculé pour toutes les entreprises, membres ou non d’un groupe intégré, en fonction de leur chiffre d’affaire individuel.

–  Pour le passé, les entreprises membres d’un groupe intégré qui, compte tenu du niveau du chiffre d’affaires annuel HT consolidé de leur groupe, ont été assujetties à la CVAE pour un montant supérieur à celui dont elles auraient été redevables si elles n’avaient pas été membres d’un groupe intégré, ont intérêt à réclamer avant le 31 décembre 2017 la restitution de l’excédent de CVAE qu’elles ont supporté en 2016 (au titre de l’année 2015) et en 2017 (au titre de l’année 2016).

2. Contribution additionnelle de 3 % : clap de fin ?

 

Depuis son introduction en 2012, la contribution additionnelle de 3% sur les revenus distribués[2] (la « Contribution de 3% ») -qui est due par les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (« IS ») en France au titre des bénéfices qu’elles distribuent et ce, sans distinction selon l’origine de ces bénéfices-  a été largement contestée.

Plusieurs recours ont été engagés, aboutissant notamment à un arrêt du 27 juin 2016[3] par lequel le Conseil d’Etat a saisi la CJUE de la conformité de la contribution de 3% à l’article 4-1 de la Directive mère-fille (« la Directive »), qui vise à éviter la double imposition des bénéfices reçus par une société mère de ses filiales établies dans un autre Etat membre de l’Union Européenne (« UE »).

Par un arrêt du 17 mai 2017, la CJUE vient de juger que la contribution de 3% est contraire aux objectifs de la Directive en ce qu’elle est susceptible d’entrainer une double imposition lorsqu’elle s’applique à des dividendes de filiales établies dans d’autres Etats membres de l’UE correspondant à des résultats qui ont déjà été soumis à un impôt dans cet Etat membre.

(1)             Imposition du bénéfice dans l’Etat membre où est située la filiale

(2)             Imposition en France au titre de la contribution de 3% du dividende redistribué

Régime mère/fille (exonération d’IS sous réserve de la réintégration de la quote-part de frais et charges)

 

A noter :

Il est probable que cette position de la CJUE -qui ne vise que les redistributions effectuées par une société mère française de dividendes provenant de filiales situées dans un autre Etat de l’UE- sera étendue aux redistributions effectuées par une société française, de dividendes de source française ou non européenne et ce, sur le fondement du principe d’égalité devant la loi et les charges publiques.

Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs été saisi de cette question dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »).

Ce qu’il faut retenir :

 –    Les sociétés françaises ayant déjà réclamé la restitution de la contribution de 3% acquittée au titre de leurs distributions antérieures pourraient avoir intérêt, pour conforter leur demande, à invoquer :

o      la décision rendue le 17 mai 2017 par la CJUE si leur redistribution de dividendes correspond à des dividendes reçus de filiales situées dans un Etat membre de l’UE,

o      à titre conservatoire, en attendant la position du Conseil Constitutionnel, la violation des principes d’égalité devant la loi et les charges publiques si leur redistribution de dividendes provient de filiales situées en France ou dans un Etat tiers à l’UE. 

–    Les sociétés qui n’auraient pas encore sollicité la restitution de la contribution de 3% mise à leur charge ont intérêt à déposer leur réclamation dès que possible, étant précisé que les règles de prescription les autorisent à le faire :

o      jusqu’au 31 décembre 2017 pour la contribution acquittée en 2015,

o      jusqu’au 31 décembre 2018 pour la contribution acquittée en 2016.

3. Interposition de société luxembourgeoise et  abus de droit ?

 

Le 10 mars dernier, le comité de l’abus de droit fiscal (« CADF ») a rendu trois avis[4] qui précisent les circonstances de fait dans lesquelles l’interposition d’une société luxembourgeoise constitue un montage artificiel à but exclusivement fiscal.

Dans les faits, deux associés d’une société française, détenant elle-même des participations dans d’autres sociétés et du patrimoine immobilier en France avaient  créé une société luxembourgeoise qui avait pour seul objet la détention des parts de la société française et qui distribuait à sa société mère luxembourgeoise des dividendes en franchise de toute imposition et retenue à la source en France[5].

L’administration fiscale a considéré, sur le fondement de l’abus de droit fiscal (article 64 du LPF), que l’interposition de la société luxembourgeoise constituait un montage artificiel visant à soustraire les dividendes de toute imposition en France au motif que la société luxembourgeoise était dépourvue de substance dès lors que :

  • elle ne disposait d’aucun moyen matériel ou humain,
  • les parts de la société française constituaient son seul actif immobilisé,
  • ses opérations consistaient exclusivement à encaisser des dividendes de sa filiale française et de produits financiers.

Ce qu’il faut retenir :

–    A défaut de substance, une société luxembourgeoise interposée est susceptible de constituer un cas d’abus de droit.

–    Tel est notamment le cas, si cette société luxembourgeoise ne dispose d’aucun moyen matériel ou humain et n’exerce aucune activité réelle.


[1]              Article 1586 quater I bis du CGI.

[2]           Codifiée à l’article 235 ter ZCA du CGI.

[3]           Arrêt n°399024 du 27 juin 2016, CE 8ème et 3ème chambres réunies

[4]           Affaires n°2016-32, n°2016-33 et n°2016-34.

[5]           Conformément à l’article 119 bis 2 du CGI