I. Fiscalité des entreprises

 

1. Un argument supplémentaire pour réclamer la restitution de la contribution de 3% acquittée par votre entreprise !

Une Question Prioritaire de Constitutionnalité (« QPC ») a été transmise le 4 avril 2016 au Conseil d’Etat par le Tribunal administratif de Montreuil pour faire constater la non-conformité de la Contribution de 3% à la Constitution et, plus précisément, aux principes d’égalité devant l’impôt et de prise en compte des facultés contributives des contribuables visés aux articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Pour mémoire, la conformité de la Contribution de 3% était depuis son introduction en 2012 contestée au regard du Droit européen et notamment pour contradiction avec le principe de liberté d’établissement prévu par l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et avec la « Directive mère-fille ».

Les entreprises qui n’ont pas d’ores et déjà sollicité la restitution de la Contribution de 3% disposent ainsi d’un argument juridique supplémentaire pour fonder leur réclamation sans attendre la décision qui devrait être rendue par le Conseil Constitutionnel d’ici l’automne prochain.

Celles qui ont d’ores et déjà réclamé la restitution de la Contribution de 3% pourraient avoir intérêt à compléter leur argumentaire en invoquant son inconstitutionnalité.

Ce qu’il faut retenir :

  • La conformité de la Contribution de 3% est contestée depuis son introduction en 2012.
  • Une Question Prioritaire de Constitutionnalité (« QPC ») a été transmise au Conseil d’Etat pour faire constater sa non-conformité à la Constitution.
  • Il est recommandé aux entreprises qui souhaitent demander la restitution de la Contribution de 3% acquittée depuis 2014 et à celles qui ont d’ores et déjà déposé une réclamation de faire valoir, outre la non-conformité de la Contribution de 3% au Droit européen, son inconstitutionnalité.

2. La perception de dividendes par un holding qui s’immisce dans la gestion de ses filiales n’affecte pas son droit à déduction de TVA !

Par un arrêt rendu le 20 mai 2016 (n° 37194), le Conseil d’Etat s’est rallié à  la jurisprudence de la Cour de justice en considérant que la perception de dividendes par un holding qui s’immisce dans la gestion de ses filiales n’est pas susceptible d’affecter ses droits à déduction au regard de la TVA.

Ainsi, la TVA supportée par les holdings qui s’immiscent dans la gestion de leurs filiales devrait être entièrement déductible, sans qu’il y ait lieu de considérer le holding comme un assujetti partiel.

Au contraire, la TVA liées à des dépenses afférentes à des filiales dans la gestion desquelles le holding ne s’immisce pas ne pourrait être que partiellement déduite.

Ce qu’il faut retenir :

  • A condition de s’immiscer dans la gestion de ses filiales, un holding peut déduire la totalité de la TVA qu’il supporte et ce, quel que soit le montant des dividendes qu’il perçoit. 

 

II. Fiscalité des particuliers

 

1.  Attention à l’« abus de soulte »!?

La Direction Générale des Finances Publiques a récemment complété, sur son portail internet, la liste des montages figurant dans la rubrique « Carte des pratiques et montages abusifs » en y intégrant l’échange de titres avec soulte.

Dans cette publication, la Direction Générale des Finances Publiques indique que :

« Lorsque la stipulation d’une soulte est uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender des dividendes en franchise d’impôt, la procédure de l’abus de droit fiscal, prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales est mise en œuvre. »

Cette position de l’administration fiscale -a priori inquiétante- paraît contestable en ce qu’elle semble rechercher l’abus de droit sur le seul fondement de la motivation du versement de la soulte et non pas de la motivation de l’opération d’apport.

En outre, cette position ne paraît cohérente:

  • ni avec la notion d’abus de droit (qui suppose d’établir le caractère fictif d’une opération ou sa motivation exclusivement fiscale),
  • ni  avec le BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 n°160 et 170 publié par l’administration fiscale le 4 mars 2016 qui a, pour la première fois, expressément indiqué qu’un apport avec soulte était susceptible de constituer un abus de droit dans le cas d’opération d’apport ne présentant pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport, selon les termes suivants :

« l’administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit, prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, notamment d’imposer la soulte reçue, s’il s’avère que cette opération ne présente pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport, et est uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender une somme d’argent en franchise immédiate d’impôt et d’échapper ainsi notamment à l’imposition de distributions du fait de ce désinvestissement. »,

  • ni enfin avec l’article 150 -0 B ter du CGI qui prévoit expressément la possibilité de procéder dans le cadre d’un apport au versement d’une soulte dans la limite de 10% de la valeur nominale des titres émis en rémunération d’un apport par la société bénéficiaire de l’apport.

En tout état de cause, le versement d’une soulte dans le cadre d’opérations d’échanges de titres devra être envisagé à l’avenir avec circonspection et être documenté autant que possible.

Ce qu’il faut retenir :

  • Un schéma d’échange de titres avec versement d’une soulte a été intégré à la liste des montages figurant dans la rubrique « Carte des pratiques et montages abusifs ».
  • Bien que cette position de l’administration semble contestable, le versement d’une soulte dans le cadre d’opérations d’échanges de titres devra être à l’avenir envisagé avec circonspection et être soigneusement documenté.

2. Le Conseil Constitutionnel précise le régime des plus-values de cession de titres des particuliers

   1. Application de l’abattement pour durée de détention aux clauses de « earn out »

L’administration a modifié sa doctrine (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-10 n°880) le 4 mars 2016 pour se conformer à la décision prise par le Conseil Constitutionnel le 14 janvier 2016[1] selon laquelle l’abattement pour durée de détention s’applique aux compléments de prix perçus après le 1er janvier 2013 au titre d’une cession réalisée avant cette date.

   2. Non application de l’abattement pour durée de détention aux plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013

Par une décision du 22 avril 2016[2], le Conseil Constitutionnel refuse en revanche l’application de l’abattement pour durée de détention aux plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013, au motif que :

  • cet abattement -qui constitue une règle de détermination de l’assiette des plus-values de cession de valeurs mobilières- est réservé aux plus-values réalisées après le 1er janvier 2013, et
  • une plus-value placée en report d’imposition est déterminée quant à son montant à la date de cession, le report ayant pour seul effet de décaler son imposition effective à l’expiration du report et de la soumettre aux règles d’imposition en vigueur à cette date, et notamment aux taux d’imposition alors applicables.

Ainsi, le dispositif du report d’imposition se révèle particulièrement pénalisant pour les plus-values constatées au titre de cessions réalisées avant 2013 dès lors que :

  • leur montant a été déterminé selon les règles d’assiette applicables avant 2013, c’est-à-dire sans déduction d’aucun abattement pour durée de détention, et
  • ces plus-values sont, à l’expiration du report, soumises aux règles d’imposition applicables à cette date, soit actuellement au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Pour corriger cette imposition excessive, qui méconnaîtrait les capacités contributives du contribuable et serait contraire au principe d’égalité devant les charges publiques, le Conseil Constitutionnel a décidé de minorer l’assiette imposable des plus-values placées, sur option, en report d’imposition avant 2013 par l’application d’un coefficient d’érosion monétaire publié sur le site de l’INSEE http://www.insee.fr/fr/service/reviser/calcul-pouvoir-achat.asp [3].

A titre indicatif, une plus-value de 1.000 euros placée en report d’imposition en 2012 (correspondant à la différence entre un prix de cession de 2.000 euros en 2012 et un prix d’acquisition de 1.000 euros en 2003) serait imposable sur une base de 834 euros (au lieu de 1.000 euros). En effet, après application du coefficient d’érosion monétaire, le prix d’acquisition retenu pour le calcul de la plus-value imposable s’établit à 1.166 euros.

Ce qu’il faut retenir :

  • L’abattement pour durée de détention est applicable aux compléments de prix perçus après le 1er janvier 2013 pour une cession de titres intervenue avant cette date.
  • Les plus-values de cessions de titres placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013 ne bénéficient pas de l’abattement pour durée de détention mais leur montant est réduit par application au prix d’acquisition du coefficient d’érosion monétaire publié sur le site de l’INSEE http://www.insee.fr/fr/service/reviser/calcul-pouvoir-achat.asp.

3. Les salariés détachés à l’étranger qui ont été exonérés d’impôt sur le revenu sur les compléments de rémunérations perçus en contrepartie de leurs séjours à l’étranger sont fondés à réclamer une restitution partielle d’impôt sur le revenu :

Selon la doctrine administrative applicable jusqu’au 10 mars 2016, l’exonération des compléments de rémunération alloués aux salariés en contrepartie de leurs courts séjours à l’étranger (moins de 183 jours sur une période de douze mois) était plafonnée à un montant égal à 40% de leur rémunération nette annuelle (hors compléments de rémunération), rapporté au nombre de jours effectivement passés par le salarié à l’étranger.

Par un arrêt rendu le 10 avril 2015, le Conseil d’Etat [4] a considéré que cette doctrine était illégale en ce qu’elle avait méconnu l’esprit du texte légal qui ne limitait pas le plafonnement de l’exonération de 40 % en fonction du nombre de jours passés à l’étranger.

En conséquence de cet arrêt, l’administration a modifié sa doctrine administrative[5] le 11 mars 2016 et confirmé que le plafond d’exonération de 40% des compléments de rémunération se calcule sur la base de la rémunération annuelle nette du salarié et ce, quel que soit le nombre de jours passés à l’étranger par le salarié (en deçà de 183 jours).

Les salariés qui ont, dans le passé, bénéficié de l’exonération des compléments de rémunération perçus au titre de leurs séjours à l’étranger dans la limite de 40% de leur rémunération nette annuelle sont fondés à réclamer la restitution de l’impôt sur le revenu qu’ils ont acquitté en excès du fait de la proratisation indue de leur rémunération nette annuelle.

A condition d’être présentées d’ici le 31 décembre 2016, ces réclamations pourront porter sur l’IR relatif aux revenus 2013 et suivants.

Ce qu’il faut retenir :

  • Conformément au BOI-RSA-GEO-10-30-10 publié le 11 mars 2016, les compléments de rémunération versés aux salariés au titre de leurs courts séjours à l’étranger sont exonérés d’impôt dans la limite de 40% de leur rémunération annuelle brute, hors prise en compte de ces suppléments, et ce quelle soit la durée de ces séjours à l’étranger.
  • Les salariés sont fondés à réclamer la restitution de l’impôt sur le revenu qu’ils ont acquitté en excès du fait de la proratisation indue de leur rémunération brute annuelle.
  • A condition d’être présentées d’ici le 31 décembre 2016, ces réclamations pourront porter sur l’IR relatif aux revenus 2013 et suivants.

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[1] QPC n°2015-515.

[2] QPC n°2016-538.

[3] A noter : les plus-values constatées entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012 qui ont été de plein droit (et non sur option) placées en report d’imposition sont par exception soumises au taux d’imposition forfaitaire de 24% à l’expiration du report et n’ont pas lieu d’être réévaluées par application du coefficient d’érosion monétaire.

[4]     CE, 10 avril 2015, n°365851

[5]     BOI-RSA-GEO-10-30-10